DRAGON & LAPIN MONTOYA

Après de nombreuses parties de Zombies, le constat est toujours le même : c'est un jeu où l'on s'amuse, et où il y a beaucoup à faire En attendant un scénario plus long dans notre prochain numéro (ainsi que la critique complète du jeu et des suppléments parus), nous ne pouvions résister à l'envie d'en savoir plus sur deux des auteurs de ce jeu et sur l'avenir de Juda Prod. Une interview interrogatoire à laquelle ces deux joyeux lurons se sont prétés avec courtoisie et humour, comme en témoigne le résultat ci-dessous :

Eastenwest : Vous avez écrit Zombies, pour des soirées mortelles.... Comment s'est construit ce projet (en terme de temps, d'organisation, ...) ?

Dragon : Pour le livre de base, c'est un peu compliqué ! Je venais de quitter un boulot et j'avais droit à un an de chômage. David "Davidou" Bauwens, qui était à l'époque vendeur chez Rocambole (le magasin de JdR de Lille), m'avait parlé de son envie de faire un jeu "survival" dans l'ambiance des films de Romero. Au départ, nous étions fixés sur un petit format, un fanzine de 30 pages. Je me suis alors lancé à fond dans le projet, et une semaine plus tard, j'avais écrit 30 pages de pouvoirs occultes pour les zombies et les sorciers. Nous avons donc décidé de passer à 80 pages. Au bout d'un mois, le background n'était toujours pas écrit et on atteignait déjà les 80 pages. Nous nous sommes alors décidés pour un JdR complet de 250 pages. Pour le faire éditer, nous avions prévu de passer par les défunts Yggdrasil. Ils souhaitaient nous éditer, mais c'était une toute petite structure dont le premier jeu ne marchait pas fort (Ji-Herp). Nous avions très peur de perdre notre "bébé" dans une faillite (et l'avenir nous a donné raison). Entre temps, David avait été embauché par une boîte de jeux vidéos et le boss, Denis, voulait depuis longtemps jouer au JdR. On a maîtrisé une partie et il a trouvé ça génial. Il a décidé de nous éditer en montant une filiale de sa société : Juda Prod était né ! Ensuite des copains se sont joints à nous pour écrire (Maître Tof, Lapin Montoya et Fadi, le berger jordanien) en tant que pigistes.

Lapin Montoya : Ben je connaissais David et Julien des diverses expériences rôlistiques que nous avions eues ensemble. J'avais à l'époque beaucoup de temps libre (j'avais perdu mon job). Ils m'ont demandé si je voulais leur écrire un scénario en tant que pigiste pour Zombies (Un oeil dans mon Martini pour l'écran). Après l'écran, les cadences ont commencé à accélérer (ils ont décidé de sortir une extension tous les deux mois), ils ont eu besoin d'un maquettiste en interne (et ça tombait bien, car c'était mon métier de base...) alors ils m'ont engagé. Et je peux dire que nous sommes vraiment trois drôles de dames... Euh, je m'égare...

E. : Zombies est un jeu très fun ! Le jeu de rôle, c'est ça, pour vous ?

Dragon : Pour moi un bon JDR est avant tout un JDR où l'on s'amuse ! C'est comme un bon film, il y a plein de façons différentes de passer du bon temps : on peut rire, se faire peur, se plonger dans une certaine ambiance, ressentir le stress de son personnage, vivre l'action en même temps que lui... Mon expérience du JDR m'a montré que ce sont les bons MJ qui font les bons JDR. On peut jouer à un très bon JDR avec un MJ nul et s'ennuyer ferme comme jouer à un JDR nul avec un très bon MJ qui rendra le jeu super ! Avec Zombies, on a voulu proposer un jeu suffisamment libre pour que les MJ fassent leur propre sauce. Nous proposons notre vision du monde dans les suppléments (avec l'évolution de la chronologie notamment) mais les MJ en feront ce qu'ils veulent. Si un détail les choque, ils n'ont qu'à le changer ! Je n'aime pas les jeux où les MJ sont enfermés dans des règles et un Background trop étriqué. Personnellement je n'ai jamais pu maîtriser un JDR sans adapter ou réécrire les règles...

Lapin Montoya : Ma vision des choses est très similaire à celle de mon collègue mais néanmoins ami.

E. : Zombies se déroule dans un futur très proche, et en même temps assez déprimant. Pourquoi cette opposition entre un jeu assez parodique et un univers sombre ?

Dragon : L'univers de Zombies est celui des films d'horreur de la Hammer, des films gores de George Romero et des Craignos Monsters de Mad Movies. Quand tu regardes un film gore, tu peux trouver ça effrayant ou drôle, ça dépend de ton caractère. Avec Zombies, c'est ce qu'on a voulu faire. Le monde est sombre, malsain et le MJ pourra l'utiliser pour des campagnes stressantes, jouant sur les nerfs de ses joueurs. Il pourra aussi exagérer ce côté obscur pour arriver ˆ une caricature trop éloignée de la réalité pour être crédible, on arrive alors dans le registre de la parodie. C'est ce que j'aime faire dans Zombies, avec les mêmes personnages. Je fais jouer des campagnes à long terme où j'immerge les joueurs dans les grands événements du monde et j'enchaîne sur une partie délire où je l^éche des hordes de blondes hurlantes en nuisette et des zombies complétement stupides qui leur courent après !

Lapin Montoya : Plantureuses les blondes, s'il vous plaît...

E. : Jusqu'à présent, vous parvenez à maintenir le rythme d'un supplément tous les 2/3 mois. Deux autres sont déjà annoncés. Vous faites que ça, ou quoi ?

Dragon : Les suppléments sortent tous les deux mois en magasin et jusqu'ici on n'a pas eu de retard ! C'est vrai que ça nous prend une bonne partie de notre temps mais on réfléchit aussi à d'autres projets. Le premier sera sûrement d'éditer un nouveau JDR. Nous avons reçu plusieurs propositions d'amateurs et certaines sont très prometteuses. On attend de les tester un peu plus pour savoir si on les lancera ou non.

Lapin Montoya : Mon rôle ne se borne pas qu'à l'écriture, je m'occupe aussi de la maquette, des rapports avec les imprimeurs (non, ce n'est pas sale !), ce qui prend facilement la moitié de mon temps

E. : Momies décline le thème Zombies à travers d'autres morts vivants. On aura droit à d'autres déclinaisons ? Il est question de vampires dans certains suppléments...

Dragon : Je ne me souviens pas que nous ayons parlé de vampires, ou alors pour se moquer du grand frère "loup blanc". Les seuls vampires de Zombies sont des adolescents décalés qui s'adonnent au satanisme, s'habillent avec de la dentelle noire, se collent des fausses dents et agressent des adolescentes dans les coins sombres des boîtes de nuit gothiques.

Lapin Montoya : Pour ce qui est des autres déclinaisons, il n'y aura pas de supplément sur de nouveaux morts vivants. Les zombies et les momies sont des créatures qui se regroupent pour survivre, il y a d'autres "monstres" dans le monde de zombies mais ils sont moins nombreux et moins organisés, ou restent des cas particuliers. Quand ce type de créature apparaît, on fait une petite aide de jeux pour que le MJ puisse s'en inspirer pour en créer d'autres. C'est Notamment le cas du Golem de Prague que nous décrivons dans Os et Cultes.

E. : Beaucoup de personnes prétendent qu'une société d'édition avec un seul jeu est très fragile. Vous en pensez quoi ? Avez-vous d'autres projets ?

Dragon : Comme je l'ai dit, on prévoit d'éditer d'autres jeux de rôle. Nous avons aussi un jeux de cartes "pas-à-collectionner" dans les tiroirs qu'il faut qu'on finisse un jour, et divers projets secrets...

Lapin Montoya : Ce qui est sûr, c'est que le prochain jeux ne sera pas un jeu d'horreur (probablement pas un med-fan). Mais ce n'est pas aujourd'hui que tu obtiendras ton scoop !

E. : On vous voit sur les conventions, certains vendeurs prétendent que vous les harcelez au téléphone pour qu'ils maintiennent leurs stocks, votre site web est dynamique et réactif... Euh... Dites... Vous voulez faire de l'ombre à Multisim, Siroz ou Descartes ? Et jusqu'à quand tiendrez-vous à ce rythme ?

Dragon : Pour ce qui est de harceler les vendeurs au téléphone, je tuerai la rumeur dans l'oeuf car c'est faux. Nous avons effectivement appelé trois fois les magasins depuis la sortie du jeu en septembre. Mais c'était pour leur parler du jeu (la 1ère fois), pour annoncer les suppléments (la 2ème) et pour recueillir les résultats de l'élection du président européen (la 3ème). Je n'appellerais pas ça du harcélement mais plutôt de l'appel de courtoisie ! Pour le site web, on essaie de pouvoir se ménager du temps pour discuter avec les joueurs, et ils semblent apprécier ce geste (il paraît qu'on est les seuls auteurs de JdR qu'on arrive à contacter en France !!??). Pour ce qui est de concurrencer Multisim, Siroz ou Descartes, je dirais simplement qu'on souhaite grandir et devenir aussi important sur le marché du JdR qu'eux, mais on ne veut pas prendre leur place...

Lapin Montoya : Je dirais qu'on tiendra le rythme jusqu'à ce que mort s'en suive, c'est-à-dire encore un bon bout de temps !

E. : L'odorama, c'est pour quand ?

Dragon : On étudie un projet d'édition collector avec une couverture en peau de vache folle à conserver au frigo, mais on en est encore au stade du test en laboratoire. On a notamment été contacté par un éleveur de mouton anglais qui souhaite revendre un important stock de viande avariée...

Lapin Montoya : Plus sérieusement, on pense sortir une deuxième édition fournie avec une vraie blonde en nuisette, qui hurle à la demande pour l'ambiance sonore (les mêmes que dans les scénarios de Dragon). Nous sommes encore à étudier le prix de vente et à sélectionner scrupuleusement toutes les candidates. Si tu es blonde à forte poitrine, tu nous intéresse…


Eastenwest n°4- Mai 2001